Auteur : Markale Jean
Ouvrage : La Bastille et l'énigme du Masque de Fer
Année : 1989
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Une prise de conscience. La Bastille est un nom mythique, ou mythologique, comme on voudra, qui évoque pour moi, de prime abord, la prise de conscience de ma propre existence à l’intérieur d’une ville que je n’aime pas, que je n’ai jamais aimée et qui, pourtant, a été le lieu de mes premières années. Bien que le sang breton et irlandais, toutes nuances confondues, circule, parfois tumultueusement, dans mes veines, je suis un enfant de la ville, en l’occurrence de Paris, et mon premier cri a été poussé quelque part, du côté des « fortifications », cette étrange zone indécise où, en ce temps-là, des cabanes désordonnées (on dirait maintenant des « bidonvilles ») fleurissaient au milieu des herbes folles et des arbustes maladifs qui s’obstinaient à pousser sur les vestiges des redoutes du siège de 1870. Oui, je suis né dans le quatorzième, dans l’arrondissement de Paris qui compte le plus de Bretons émigrés, rue Giordano Bruno, pour être précis. Et là, je ne peux que voir un signe du destin : j’ai toujours été en marge, toujours révolté contre l’autorité, d’où qu’elle vînt, aux prises avec des orthodoxies qui m’eussent volontiers voué aux gémonies ; je suis né sous l’égide d’un illustre moine de la Renaissance italienne qui fut condamné par l’inquisition en tant qu’hérétique, et conduit sur le bûcher. Cependant, mes yeux se sont réellement ouverts sur des paysages plus cléments et plus classiques que ceux de la ceinture de Paris. Mes premiers regards ont été versés sur la ceinture d’arbres qui encorbellent ce village anachronique qu’est l’île Saint-Louis, et sur la longue ligne de la Seine, parcourue de chalands craintifs et de remorqueurs fougueux dont les hautes cheminées (on en était encore à la vapeur) se baissaient à chaque passage sous un pont, pour ma plus grande joie d’ailleurs, et avec une sempiternelle exclamation : « Boum, cheminée ! » Ce sont des faits qui restent accrochés à la mémoire comme des traînées de brume dans les matins d’hiver. Comme ces berges encombrées de sable et de pierres que livraient les chalands, ces berges qui n’étaient point encore envahies par les voitures, ni déflorées par des voies qu’on dit « express », et domaine inviolable de tous les clochards de la capitale. Comme ce « Bateau Parisien », remarquable moyen de transport qui allait de Suresnes à Charenton et qui s’arrêtait sous mes yeux, au ponton du quai Henri IV. Et lorsque je me penchais par la fenêtre, j’apercevais, au-dessus des toits, un bizarre personnage de pierre ou de métal (je ne me suis jamais posé la question) en train de se livrer à une danse parfaitement absurde parce que toujours la même et figée dans une sorte d’éternité. ...
Tourney Phillip - What I saw that day
Authors : Tourney Phillip F. - Glenn Mark Title : What I saw that day Year : 2011 Link download :...