Auteur : Orwell George
Ouvrage : Un peu d'air frais
Année : 1939
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À vrai dire, c’est le jour où j’ai étrenné mon dentier que l’idée m’est venue. Je me le rappelle très bien. Vers huit heures moins le quart, j’avais sauté du lit pour occuper la salle de bains juste avant les gosses. Un matin de janvier sinistre, avec un ciel gris-jaunâtre, un ciel sale. Par le petit carré de la fenêtre, j’apercevais le jardin de derrière, comme nous l’appelons. Dix mètres sur cinq d’un gazon pelé au milieu, entouré d’une haie de troènes. Il y a le même, avec les mêmes troènes et la même haie, dans chaque maison d’Ellesmere Road. La seule différence, c’est que là où il n’y a pas de gosses le milieu n’est pas dégarni d’herbe. J’essayais de me raser avec une vieille lame pendant que l’eau coulait dans la baignoire. Mon visage m’était renvoyé par la glace qui me montrait aussi les dents faites pour aller avec – plus bas, dans un verre d’eau posé sur la petite étagère du lavabo. Warner, le dentiste, m’avait procuré cet appareil provisoire, pour me faire patienter. Je n’ai pas une tête à faire fuir les gens, en réalité. Un teint rouge brique assez répandu, des cheveux d’un jaune paille comme le beurre avec des yeux d’un bleu pâle. Je ne suis ni chauve ni grisonnant, Dieu merci, et avec mes dents je ne parais sans doute pas mes quarante-cinq ans. Tout en me disant qu’il me faudrait acheter des lames de rasoir, je me plongeai dans la baignoire et me mis à me savonner les bras (des bras dodus couverts de taches de rousseur jusqu’au coude), puis je me frottais les omoplates avec la brosse. Réduit à mes propres moyens, j’en serais incapable. C’est fâcheux, mais différentes parties de mon individu me sont désormais hors d’atteinte. La vérité est que j’ai tendance à l’embonpoint. Je ne veux pas dire qu’on pourrait m’exhiber à la foire comme un phénomène. Je ne dépasse guère les quatre-vingt-dix kilos, et la dernière fois que j’ai pris mes mensurations, mon tour de taille devait être d’un mètre trente ou quarante – je ne sais plus au juste. Je n’ai pas la bedaine qui pendouille jusqu’aux genoux, je ne suis pas un de ces obèses qu’on trouve dégoûtants. C’est seulement que j’ai le derrière un peu fort, et un petit quelque chose qui me donne l’air d’un tonneau. Vous aurez entendu parler du brave type, allant et robuste, qu’on surnomme sacré gars, et qui est le boute-en-train de la société ? Voilà, c’est moi. En général, on m’appelle le bon gros. Le bon gros Bowling. Mon vrai nom, c’est George Bowling. Mais à ce moment-là, je ne me sentais pas du tout le boute-en-train de la société. Et je me disais que ces temps-ci j’étais presque toujours d’humeur morose au début de la matinée, en dépit d’un sommeil excellent et d’une bonne digestion. ...
Morris Charles - The aryan race
Author : Morris Charles Title : The aryan race Year : 1888 Link download :...